sauce d'échec

Journée pas brillante du tout. Je suis toujours pas allée dans ces boîtes d'intérim pour cause de terreur personnelle... ça y est, ça recommence. On a déjà repoussé deux fois le truc, avec B (qui doit m'accompagner), et je commence à me sentir sérieusement minable. Surtout qu'aujourd'hui j'ai un peu fait la grande scène de l'acte I, avec pleurs tout l'après-midi, méga coup de stress et moults pensées pas positives du tout. J'ai honte. Va falloir que je me mette dans le crâne d'arrêter mes caprices de gamine et d'avancer, surtout que là c'est foutrement important. Si j'arrive pas à amasser suffisamment d'argent d'ici la fin de l'été, je saurai pas où loger, tout simplement. Et il est hors de question d'atterrir sous un pont juste parce que j'aurais eu peur.
C'est con. Hier j'avais pourtant passé une excellente journée. J'ai enchaîné les rendez vous, psy, médecin, puis profité de mon cadeau de Noël, dans un centre de soins: jacuzzi, massages. Je suis ressortie de l'institut avec l'impression d'être complètement éblouissante de beauté et de bien-être, et je me suis empressée du coup d'aller acheter des chaussures absolument scandaleuses. (sandales noires, 10cm de talons, en cuir vernis, avec un prix exorbitant aussi). Puis vu ma mère, puis vu mon mec, avec qui on est allés fêter la fin des partiels avec des potes de la fac. Soirée sympa, même si comme d'hab j'ai du mal à me mettre dans l'ambiance et à être sociable. Puis retour chez moi et dodo. J'étais bien.
Aujourd'hui ça a été tout le contraire. Je me suis levée d'humeur massacrante, j'ai eu envie de vomir tout ce que j'avalais, j'ai pleuré comme une madeleine et j'ai pas été foutue de faire quoi que ce soit de constructif.
Enfin. J'ai promis à B que j'allais y aller dans les prochains jours d'ouverture. J'ai remarqué que faire quelque chose pour quelqu'un, même si c'est difficile, ça motive beaucoup plus que de le faire juste pour soi. Avec la bouffe, c'est comme ça que ça c'est arrangé, petit à petit. J'ai commencé par des promesses à B ("aujourd'hui, pas de crise"), ensuite j'ai fait des repas à midi pour mon médecin ("ça me fait tellement plaisir quand tu manges à midi"), et je me suis aussi forcée à ne pas vomir pour M, ma coloc. Pour le boulot, je crois qu'il va falloir procéder pareil, étant donné que je reste beaucoup trop paralysée. ça m'énerve. Y a des jours comme ça où je regrette grave de pas avoir eu d'éducation normale, où on m'aurait appris la valeur du travail, la valeur des autres, la valeur de son propre corps etc. Parce que plus le temps passe et plus je m'aperçois à quel point je bloque sur des choses qui sont tellement faciles pour d'autres...
L'apprentissage le plus dur a sans doute été d'apprendre qu'on peut pas vivre seul, juste pour soi. J'ai vraiment fini par le savoir à coups de claques dans la gueule, ce truc. C'est bizarre hein? avant, quand on essayait de m'expliquer pourquoi rester en vie, on me disait tout le temps des trucs genre "ça ferait tellement de mal à untel si j'étais plus là", et je captais pas. Je trouvais ça nunuche, incompréhensible. Mais en fait c'est vrai. Il a juste fallu que je voie leurs têtes, quand ils ont su que j'avais voulu me foutre en l'air, l'an dernier. Et que je me fasse hurler dessus par ma psy. Au final, ça valait le coup. Je suppose. Reste à s'occuper du reste, justement. ça me fait bizarre de constater, des fois, à quel point mon enfance tordue a fini par affecter tous les aspects de ma vie. J'ai du mal à être avec des gens, à manger, à dormir, à travailler, à vivre quelque part, à me respecter, à parler, à baiser, à prendre des décisions. Des jours comme aujourd'hui me font me sentir handicapée et diminuée, comme s'il y avait un truc qui m'empêchait d'avancer malgré moi. Le pire, c'est que je commence juste à prendre conscience de l'ampleur des dégâts. Je me demande combien de découvertes merdiques je vais encore me taper avant de pouvoir être bien. Des jours comme ça me font haïr toutes les personnes qui m'ont entourée et laissée couler. ça aurait pas tellement pas dû se passer comme ça.