Nihil

Avant, quelque part, c'était facile. Comme je l'ai déjà mentionné dans l'article précédent, je haïssais tout le monde et ça me posait vraiment pas de problème. Je déambulais à droite à gauche, mon walkman vissé sur les oreilles, et je fixais tout le monde avec l'air le plus sauvage que je pouvais avoir, ce qui donnait d'assez bon résultats puisque personne ne s'approchait. Et c'était pas plus mal que ça. Je n'aimais pas les vieilles avec leurs chiens, l'idée de foutre des coups de pieds dans une poussette me choquait pas bien plus que ça, les blagues racistes je m'en torchais tant que ça ne me touchait pas, n'avoir ni tendresse, ni pitié, c'était un peu mon quotidien. Je n'étais pas agressive pour autant, c'est sûr, mais disons qu'il fallait pas essayer de me sortir de ma bulle parce que ça ne servait strictement à rien. D'une certaine façon, j'avais l'impression que tout m'étais permis et dans mon esprit, la différence entre se planter un couteau dans le bras ou dans la gorge n'était due qu'au fait de ne pas pouvoir recommencer si on choisissait la deuxième option. Je n'étais pas touchée par grand chose autre que ma déprime. J'ai pu regarder des mecs se faire assommer à coup de batte de base-ball, ou des nanas courir parce que y avait des coups de feu dans ma rue sans que ça me fasse ni chaud ni froid, sincèrement.

Et aujourd'hui ça a changé. Petit à petit, sans que je m'en rende vraiment compte, j'ai été touchée par plein d'émotions humaines qui semblent se faire un plaisir de me parasiter. Ma psy trouve ça génial, moi je déteste. Hors de mes humeurs morbides qui peuvent encore être assez carnassières, je peux osciller entre la sensiblerie la plus mièvre et les lieux communs les plus nuls. J'ai pitié des mecs qui mendient dans la rue et des mémés qui parlent toutes seules dans le bus. Des fois je regarde des gosses et je me dis "il est mimi avec sa petite bouille toute ronde", avant d'engager un combat intérieur terrifié. Je me suis mise à détester l'idée qu'on pouvait faire du mal à des animaux, je hais l'automutilation (chez les autres), je hais les vomissements - chez les autres aussi. Des fois je pleure même à la fin d'un film, et quand c'est de l'horreur, des fois j'ai peur. J'arrive même pas à comprendre d'où elles peuvent provenir, toutes ces émotions bizarres qui semblent si normales aux yeux de chacun. J'ai l'impression de déborder de sensiblerie, de tous les côtés. Je suis devenue jalouse avec mon mec, moi qui n'en avais strictement rien à foutre avant, tant qu'il continuait à me revenir. ça m'arrive même de lui faire des caprices dignes d'une gamine de cinq ans, et heureusement pour moi, il trouve ça mignon. L'idée d'être touchée par quelque chose me semble synonyme de faiblesse. 

Enfin. Je crois qu'il va falloir faire avec toutes ces émotions nouvelles et toute cette humanité qui débarque d'un coup, même si elle arrive trop vite et trop fort à mon goût. Et puis bon. Y a un nouveau truc mièvre qui me torture en ce moment, et vous savez ce que c'est? un chat. Ouais, je voudrais bien un petit chat qui serait mignon et gentil, un petit chaton qui serait noir avec de grands poils et des petites dents toutes pointues. Pas un chat comme celui que j'avais chez ma mère, c'est à dire inapprochable et avec un goût prononcé pour la chasse à l'homme. J'ai adoré cet espèce de croisement entre loup des steppes et tigre, mais je voudrais vraiment un animal domestique, ce coup-ci. Même que je pourrais le rendre encore plus mignon, je pourrais lui apprendre à se balader sur mon épaule, en ville, lui acheter un petit collier à sa taille, noir avec des paillettes vertes par exemple, et je lui aurais donné un nom unique, genre Paralysie, Schizophasie, Angoisse, Mutilation, Bégaiement, Jésus-Christ, Antipodes ou dieu sait quoi. En admettant que je trouve les thunes pour le tatouage, la castration et l'entretien du minou, ce serait vraiment chou.

Comments

[Pam]

Je dirais.. Vois ça comme une seconde vie. Comme une renaissance =)