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l'Extincteur
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l'Extincteur
13 décembre 2007

Noël

ane_noelNoel. Ah ça, à voir les blogs d'un peu tout le monde, ça en fait cogiter plus d'un. Moi étant comme tout le monde, ça me fait bien ruminer aussi. Je peux pas m'empêcher de me dire que ça fait maintenant trois ans que je passe mes Noël sous le signe de la boulimie, et j'aime pas trop ça.
Pour vous raconter un peu ma vie, la première fois c'était quand je venais de me faire hospitaliser. Comme j'avais interdiction d'être en contact avec qui que ce soit de ma famille, j'étais restée à l'hosto, avec quelques autres patients du service. C'était le Noël le plus
franchement glauque de ma vie. Ma petite voisine, qui était adorable mais boulimique, s'était jetée sur le repas de fête qu'on avait eu, et puis, se rappelant que c'était Noël, m'avait dit qu'elle ferait l'effort d'attendre la fin de mon repas pour aller vomir. Merci bien. Elle s'est ruée dans les chiottes sitôt ma dernière bouchée avalée. Moi je refoulais mes larmes. Après avoir lutté vaillamment deux bonnes heures pour ne pas craquer et garder le moral, je m'étais finalement enfouie sous ma couette, où j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps jusqu'à la venue salvatrice de S, un pote à moi, avec sa copine et un autre pote. Ils m'apportaient des chocolats, c'était vraiment adorable. Même que dès que S était arrivé, je m'étais jetée dans ses bras immenses et j'avais continué à pleurer comme une dingue. Il avait fait un signe discret à B et à sa nana de sortir de la chambre.
ça c'était pour le premier Noël, et comme on peut le voir, j'étais pas encore franchement concernée par les problèmes de bouffe. (Tant que j'avais mon armada de rasoirs et cutters dans mon sac... tout allait bien).
Le suivant, par contre, c'était moins coupant et plus vomitif. Celui là, je l'avais passé chez mes grands parents, à trois. J'ai toujours adoré mes grands parents, mais niveau bouffe je n'avais pas du tout été épargnée. C'était le moment où je commençais à faire de la restriction pure et dure, sauf que j'y arrivais pas vraiment et que je me jetais sur tout ce qui ce mangeait. Par esprit de contradiction, je leur avais acheté plein de chocolats. Par pur malheur, on m'en avait offert aussi. Le repas du soir était pas particulièrement gras, mais enfin il était bourratif, et j'avais avalé sagement tout ce qu'on me proposait. Intérieurement, j'étais horrifiée, il y avait beaucoup trop de tout. Résultat, sitôt mes grands parents partis dans leur chambre, je fonce sous la douche, et hop, deux doigts dans la bouche.
Mais je suis pas allée jusqu'au bout, pas ce jour là. J'ai du avoir un ou deux hoquets, et puis, trop dégoûtée et honteuse de ce que j'étais en train de faire, je me suis rabattue, les larmes aux yeux, dans ma chambre, où j'ai fait un maximum de sport. Le plus silencieusement possible, bien sûr. Quand j'étais rentrée à Grenoble, j'avais balancé tous mes chocolats dans une poubelle, en cachette. Je sentais que si je continuais à manger plus que ce que mon cerveau m'autorisais, j'allais vite finir par me faire vraiment vomir. Enfin je pensais encore l'éviter, à ce moment là. B et Y n'arrêtaient pas de me dire de ne surtout, surtout pas commencer à vomir, j'avais déjà bien assez de problèmes comme ça. Et puis bon. La suite on connaît. J'avais trop honte, j'ai pas tenu.

Et voilà qu'on en arrive à l'édition Noël 2007. Et je balise à fond. Je sais pas trop ce qui est prévu. Dans sa lettre assassine, ma mère semble tenir pour acquis que s'il n'y a pas de rassemblement familial prévu, on aura qu'à le passer toutes les deux, et c'est hors de question en ce qui me concerne. Moi j'aurais bien voulu qu'il y ait un rassemblement, surtout qu'une de mes tantes s'est barrée au Kenya, ou dans je sais plus quel pays où elle paraîtra encore plus immensément riche qu'elle ne l'est en France, alors du coup ce serait un petit comité et ça m'irait bien. Je voudrais bien voir mes cousines, aussi. Après consultation de ma psy, je m'étais dit que ce serait bien de passer, genre, l'après midi du 24 avec eux, tranquillement, et de repartir le soir, puisque Y et M voudraient bien qu'on le fête ensemble. (Avec eux il y aura certainement de la bonne bouffe aussi, mais Y a toujours un oeil sur comment je mange, généralement, alors ça devrait aller). Ma psy m'avait dit qu'il était trop tôt pour faire face à un repas familial complet, surtout que je me rappelle très bien de toutes les petites humiliations que ça occasionait quand j'étais gamine et que j'ai pas du tout envie de revivre ça. D'un autre côté, je sais pas si ça arriverait. A force de parler à ma mère du manque de place et d'écoute que j'ai eu dans ma famille, je me dis que peut-être, depuis le temps, les choses ont changé. Après tout, ça fait deux ans, je crois, que j'ai pas vu mes tantes, ni mes cousines. Tout ce troupeau de femmes a peut-être compris quelque chose? peut-être que mes prises de bec avec A-M ont servi à quelque chose, peut-être qu'ils sont prêts à me laisser une place, à me parler autrement que pour se payer de ma tronche, me demander l'éternelle question "et les cours comment ça va??" alors que je brûle de parler de mon nouveau mec, de sport, de dessin, de danse, de concerts, de ma vie en général - mais que quand j'essaie, plus personne ne m'écoute. Je sais pas si tout ça a pu changer sans que j'en ai vraiment parlé aux concernés. Je sais pas si j'arriverai, moi, à me mettre dans une autre place que celle de la tapisserie souriante et bienveillante. J'ai jamais su faire autre chose, avec eux. Elles. Et puis j'angoisse. Il est loin, le temps où j'allais dans leur monde et où je m'y sentais bien. Je ne sais plus ce qu'on a à partager. Je ne sais pas si on a jamais eu quoi que ce soit à partager, en fait. Qu'est-ce que j'ai à faire parmi eux après tout? pourquoi est-ce que je m'arracherais à mon monde étrange, triste, torturé, mais profondément artistique pour aller dans le leur, accepter leurs valeurs de Bienveillance, d'Amour Inconditionnel, d'acceptation de l'autre (soi disant), de générosité, de partage, et autres idées nobles mais illusoires et qui ne m'ont fait que du mal? Le pire c'est que ça n'est même pas de l'hypocrisie, tout ça ils en sont profondément convaincus. Mais à la limite, je préfère encore les endroits où on a le droit de haïr, d'avoir des sentiments forts et négatifs, de rejetter en bloc, plus ou moins arbitrairement, juste parce que c'est drôle et qu'on est entre nous, et où on peut exprimer des conflits (oui les conflits ça me terrorise, mais enfin, c'est toujours mieux d'être dans un endroit où ils peuvent exister, tout simplement). C'est ça le problème, avec l'éducation pourrie qu'on m'a transmise, c'est que je suis toujours convaincue qu'il vaut mieux souffrir (ou s'autodétruire) en silence plutôt que gueuler sur tout le monde tout haut. Un jour faudra que je sorte de ça. Et ce jour là, je me mettrai à gueuler sur tout le monde, rien que pour le plaisir. Je dirai aux gens que j'aime pas qu'ils sont moches, stupides, cons, faibles, que j'aime pas leurs idées, que leur voix me fait mal aux oreilles, qu'ils sont des raclures d'évier; je prendrai mon pied à hurler très fort, à faire des scandales monstrueux; je me ferai virer de boîtes ou de bars parce que j'aurais foutu la merde ou même trop bu, moi qui suis toujours sobre; et puis j'aborderai les gens dans la rue comme une belle pochtronne, je dirais à des mecs qu'ils sont beaux et à des nanas qu'elles ont des jolies fesses, et tout le monde s'en foutra parce que je passerai pour une tarée, mais moi au moins, j'aurais arrêté de me taire et de vomir. Ah, rien que cette idée ça me fait fantasmer. J'ai jamais fait de scandale. Oui bon, à part l'hôpital je veux dire. J'aimerais bien en faire un, un jour. Avoir les couilles de se révolter, de dire MERDE haut et fort, peut-être même sans raison parce que c'est encore plus grave et plus injuste, ha je trouve ça super. Les gens qui sont toujours d'accord avec tout, je trouve pas ça sain.
Alors voilà, moi un jour, je serai une chieuse.

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Commentaires
M
Je connais sur le bout des doigts ces sensations, l'incompréhension, l'indifférence sous des dehors de "mais on t'aime, on s'intéresse à toi"... l'envie d'arriver à sortir ce qu'il y a au fond, ne plus s'obliger à ressebler à l'image palôte à laquelle ON veut que l'on ressemble...<br /> <br /> Et un jour, on arrive à dire les choses. On arrive même à gueuler.<br /> <br /> Moi, j'ai un peu déconné. C'était un peu devenu ma seule manière d'exister. Mais, je reviens un peu sur terre.<br /> <br /> En tout cas, être soi, s'affirmer... p**** que c'est bon !<br /> <br /> Et, tu as l'air bien partie pour te trouver ;)
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