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l'Extincteur
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l'Extincteur
28 novembre 2007

Lovers (2)

Je sais pas vraiment quoi dire sur la période qui a suivi. C'était étrange. On avait tous les deux très peur de s'envahir l'un l'autre, mais au final, il s'était attaché plus vite que moi. Ou disons plutôt, j'étais terrifiée d'avoir des sentiments, me jeter dans une relation, comme ça, ça me paraissait impossible. J'étais distante. On se voyait une, deux fois par semaine, et ça m'allais bien comme ça. Et puis j'allais tellement mal. Il a vite été au courant du merdier en cours avec ma mère, de nos coups de gueule, de ma tristesse générale, de mon ras le bol. Il m'a énormément soutenue. Pour la première fois de ma vie, il y avait quelqu'un qui s'occupait de moi, quelqu'un qui me portait et en présence de qui je n'avais plus rien à gérer. Je sors d'une famille matriarcale au possible; les hommes de ma famille sont tous très gentils, mais complètement effacés derrière des femmes au tempérament de feu, qui rient fort, trépignent, travaillent à plein temps, font des petites remarques cassantes - et tiennent la culotte, quoi. Avec lui ça ne se passait pas du tout comme ça et je me sentais presque coupable de me sentir bien dans une relation pareille. Moi qui avait toujours entendu que la galanterie c'était rabaissant pour les femmes (on est bien capables de se démerder toutes seules, bordel), je me retrouvais avec un mec qui m'ouvrait les portes, me reculait mes chaises, et était prêt à taper sur quiconque me regardait de travers. C'était le pied. C'était le pied mais il y avait tellement de problèmes quand même, pas entre nous, pas vraiment, mais disons que j'allais tellement mal, j'étais tellement au bord du gouffre, que "me sauver" nous passait toute notre énergie, tout notre temps, et on a oublié qu'on pouvait faire d'autres trucs, qu'il pouvait lui aussi avoir ses coups de cafard, de faiblesse, et qu'on pouvait se positionner autrement que lui comme mon grand chevalier en armure noire, et moi comme la princesse effrayée. Mais un jour j'ai décidé d'accepter que j'étais amoureuse, et on est restés ensemble longtemps, comme ça, sans vraiment s'en apercevoir. B m'a aidée à traverser de nombreuses épreuves, mes périodes suicidaires, mes périodes schizophrènes (pas drôles du tout, ni pour lui, ni pour moi), et puis le fin du fin est arrivé après un an et demi de relation - à partir du soir où je me suis barrée de chez ma mère. ça, c'était en hiver 2005, après avoir passé le bac. A ce moment là, j'étais donc complètement accro à la scarification, je n'étais plus vraiment suicidaire mais à moitié dingue, j'étais complètement nihiliste (le néant et la mort sont mes dieux, détruisons la race humaine dans son ensemble), je n'avais confiance en personne, j'étais en bref une belle petite sauvage, qui ne se laissait approcher par personne et qui montrait les dents à tout le monde. Et un soir, comme ça, après avoir fait mon sac et être partie, sans même que ma mère s'en aperçoive, je me suis retrouvée à l'hôpital, rayon urgences. Grandeur et hallucination. Le monde s'est retourné. Tout d'un coup, des gens s'occupaient de moi. Je pleurais tout le temps: en regardant le sapin de Noël du service, quand on me proposait un chocolat chaud, quand on m'adressait la parole, et même parfois juste quand on me regardait. Et en deux mois, j'ai aterri dans mon appart, une petite piaule de 15m², mais qui était à moi. J'avais tout d'un coup une psy qui tenait la route, et une éducatrice; tout contact avec ma mère était strictement interdit, de même que d'aller chez elle, de même que les contacts avec le reste de ma famille.

Je m'égare un peu, mais je crois que ce qui a changé là avec B, c'est qu'il était plus vraiment mon centre du monde. J'avais tout d'un coup été arrachée à tout ce que je connaissais, et même si je voulais toujours de lui, j'avais l'impression que j'avais été dans un endroit encore pire que le reste, et qu'il ne m'avait pas suivi. J'ai tenu deux mois dans mon appart, descolarisée, avec presque pas de vie sociale, à ne rien foutre de mes journées à part dormir et manger, et puis je me suis renvoyée à l'hosto, par les urgences là aussi. Là c'est moi qui ai demandé à être de nouveau hospitalisée, sinon on m'aurait fait mes points de suture et renvoyée chez moi direct, mais vu la tournure que ça avait pris, je me suis dit qu'il fallait s'attaquer au problème. Je me coupais plus aussi souvent qu'avant (soit tous les jours), c'était plutôt une fois par semaine, mais je me lacérais littéralement les bras, le sang me dégoulinait sur les mains, tombait sur le sol en grosses gouttes rouges (à force, je faisais ça au dessus du lavabo); j'y allais fort, en visant les veines, et je dénombrais parfois une trentaine de blessures par bras. Bref c'était la merde, et mon homme avait plus franchement de place là-dedans. D'ailleurs je sais pas si qui que ce soit avait une place, même pas moi.
Il y a dû y avoir plein de choses qu'on ne s'était pas dites, plein de choses sur lesquelles on refusait de bouger ou qu'on refusait de voir, mais ma seconde hospitalisation a été l'arrêt de mort de notre couple. D'abord à cause de malentendus (je croyais qu'il voulait rompre), et ensuite parce que j'ai rencontré Y (le mec à la hache), qui ne m'a pas fui, qui est resté avec moi jour et nuit (évidemment il était hospitalisé lui aussi...), qui m'a dit tout ce que j'avais envie d'entendre. Je crois aussi en y repensant que la fille que B aimait, qui était toujours douce et tendre avec lui, n'existait plus vraiment, et que ça nous séparait. Je découvrais une autre personne que celle que je croyais être, j'étais violente, pulsionnelle à fond, je me voyais faire des trucs que j'aurais jamais cru possibles de ma part - et j'y comprenais plus rien. Alors on a rompu, bien sûr.

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